Du nouveau pour le droit français de la rupture de relations commerciales établies!
- BernoussI
- 12 juin 2019
- 4 min de lecture
Du nouveau pour le droit français de la rupture de relations commerciales établies! et en droit marocain?
Le droit de la rupture de relations commerciales établies a été réformé par l'Ordonnance n° 2018-359 24 avril 2019
Plusieurs juristes français dont notamment mon professeur de droit à l’Université d’Orléans, Monsieur Louis Vogel [i], avaient défendu la nécessité de réformer le droit de la rupture de relations commerciales établies en dénonçant l’insécurité juridique due au traitement inégal de situations comparables.
Avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 24 avril 2019 :
Pour rappel : le Code de commerce français dans son article L 442-6, I-5 avait traité la question de la rupture de relations commerciales établies en considérant que le fait, pour tout producteur, commerçant, industriel ou artisan, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale, engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé.
La forme du préavis était précisée mais le délai de préavis n’était pas défini par le code de commerce et restait apprécié par les juridictions qui décidaient du délai à retenir en fonction des situations, délai qui servait de base de calcul des indemnités à verser à la partie lésée.
Cette situation dissuadait l’entreprise à demeurer dans une relation commerciale non productive, sous peine d’importants dommages-intérêts. Tout le monde s’accordait à penser que la peur d’être condamné à réparer une rupture de contrat est un frein à la faculté de changer librement de partenaire commercial, faculté, tout de même, nécessaire au bon fonctionnement d’une économie de marché.
Avec l’ordonnance du 24 avril 2019, article L 442-6, I-5 a été modifié pour devenir l’article L. 442-1, II :
La nouveauté de cette ordonnance, en ce qui concerne notre sujet, est la fixation du délai de préavis à respecter avant la date d’entrée en vigueur de la rupture d’une relation commerciale établie. Le préavis est désormais de dix-huit mois !
En droit marocain , deux textes traitent de la rupture des relations commerciales : La LOI N° 15-95 formant code de commerce dans son article 396[ii] et la LOI N° 104-12 sur la liberté des prix et de la concurrence dans son article 7[iii]
Il ressort de l’article 396 du code de commerce que l’agent commercial bénéficie d’un délai de préavis en cas de projet de rupture de son contrat. Il est d’un mois pendant la première année du contrat, deux mois pendant la deuxième année, trois mois pendant les années suivantes à compter de la troisième ;
Par ailleurs, l’article 7 de la loi sur la liberté des prix et de la concurrence a traité le sujet de la rupture de la relation commerciale établie dans un cadre précis celui qui concerne « les pratiques anticoncurrentielles » .
Les autres situations ne sont pas réglementées et le délai de préavis suffisant restera toujours soumis à la libre appréciation des juges du fond.
Face à la difficulté de déterminer, en fonction des circonstances, quel délai peut être considéré comme le juste délai et compte tenu du nombre important d’actions judiciaires pendantes devant les tribunaux, n’est-il pas est impératif de penser également à réformer nos textes en prévoyant aussi bien les modalités de la rupture totale et partielle d’un contrat commercial, le préjudice réparable, la base de calcul des indemnités, le délai de préavis suffisant ?
Je reste certaine que légiférer dans ce domaine 1/ désengorgerait considérablement nos juridictions en réduisant le nombre d’actions judiciaires et 2/ mettrait en harmonie nos règles internes de gestion avec le droit français sachant que les contrats de distribution sont majoritairement des contrats internationaux .
Et vous qu’en pensez-vous ?
[i] BRDA 6/17 • © Editions Francis Lefebvre: Un bilan du droit de la rupture de relations commerciales établies
[ii] « Article 396 du code de commerce : Le contrat d'agence commerciale peut être conclu pour une durée déterminée ou pour une durée indéterminée. Le contrat à durée déterminée que les parties continuent à exécuter après l'expiration de cette durée devient un contrat à durée indéterminée. Chacune des parties peut mettre fin au contrat à durée indéterminée en donnant à l'autre un préavis. Le délai de préavis est d'un mois pendant la première année du contrat, deux mois pendant la deuxième année, trois mois pendant les années suivantes à compter de la troisième. Au cas où un contrat à durée déterminée est devenu à durée indéterminée en application des dispositions du premier alinéa, le calcul du délai de préavis tient compte de la période à durée déterminée qui s'est écoulée. La fin du délai de préavis coïncide avec celle d'un mois civil. Les parties peuvent déroger aux dispositions de l'alinéa précédent, mais seulement pour fixer des délais de préavis plus longs, à condition que le délai imposé au mandant ne soit pas plus bref que le délai imposer à l'agent commercial. Le mandant peut résilier le contrat sans préavis au cas de faute grave de l'agent commercial.
Le contrat prend fin de plein droit par la survenance d'un cas de force majeure ».
[iii] « Article 7 »loi sur la liberté des prix et de la concurrence » : Est prohibée, lorsqu'elle a pour objet ou peut avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprises: 1- d'une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci ; 2- d'une situation de dépendance économique dans laquelle se trouve un client ou un fournisseur ne disposant d’aucune autre alternative équivalente. L'abus peut notamment consister en refus de vente, en ventes liées ou en conditions de vente discriminatoires ainsi que dans la rupture de relations commerciales établies, au seul motif que le partenaire refuse de se soumettre à des conditions commerciales injustifiées. Il peut consister également à imposer directement ou indirectement un caractère minimal au prix de revente d’un produit ou d’un bien, au prix d’une prestation de service ou à une marge commerciale ».
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